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internet-catIl n’y rien de moins attendrissant que des photos de chats sur les Internets, particulièrement pour évacuer une partie du stress engendrée par nos vies hyperactives. Ces jolies petites créatures mettent un peu de joie dans nos journées. Il va sans dire que toute forme de cruauté envers ces petits êtres sans défense est une chose d’une grande tristesse. Il en va de même avec les reportages qui nous montrent les conditions de vie d’une grande partie des animaux qui atterriront éventuellement dans nos assiettes. Souvent, ces bêtes vivent dans des endroits excessivement peu hygiéniques; vivent, dorment et mangent dans un espace plus réduit qu’une cellule d’un prisonnier à Tijuana. Ces faits sont abjects et méritent d’être dénoncés par tous. Il y a cependant une double problématique qui me titille lorsque je vois des gens — remplis de bonne foi — m’aborder à la sortie du métro pour me faire signer des pétitions contre les usines à chiots ou bien contre les conditions de vie — pour ne pas dire de détention — des animaux servant à nous nourrir. Je vais aborder rapidement ces deux problématiques une à la suite de l’autre : la stratégie utilisée n’est pas la bonne et il est nécessaire de remettre en perspective la noblesse de cette lutte.

Un changement d’approche s’impose

En premier lieu, les groupes de protection des animaux sont relativement bien structurés et ne semblent pas peiner à trouver des nouveaux membres pour porter leurs revendications. La cause est noble, qui pourrait réellement être pour la maltraitance des animaux? Cependant, il s’avère que leur méthode pour tenter de stopper la propagation des usines à chiots et des mauvais traitements dans l’industrie agroalimentaire — uniquement le fait de nommer cela une industrie devrait nous mettre la puce à l’oreille sur les orientations et les motivations derrière l’exploitation de ces bêtes et de l’importance relative qui sera donnée au profit ou à la condition de vie — ne sont pas les bonnes. Leurs méthodes actuelles consistent principalement à dénoncer les producteurs, à produire d’interminables pétitions pour réglementer l’industrie, ou bien pour interdire la production à la chaîne de chiots. Ces méthodes s’orientent principalement sur ce qu’il serait opportun d’appeler une gestion de l’offre. Ces tentatives ont pour objectif principal de punir ou d’encadrer ceux qui directement négligent les conditions de vie des animaux. Il semble toutefois que ces méthodes qui sont utilisées depuis plusieurs décennies n’aient pas encore eu tout le succès que l’on aurait espéré.

Il semble donc qu’une approche différente serait de mise, cette approche ne doit plus se concentrer sur la gestion de la production, mais plutôt sur la gestion de la demande. Les gens qui achètent de ces usines à chiots sont rien de moins que des complices consentants. Ceux qui sont à la source de ces mauvais traitements sont grandement dans l’erreur, sinon le crime, mais la façon la plus efficace de contrer ceux-ci serait de s’assurer que la demande pour les animaux issus de ce type de production soit réduite à un point si bas, qu’il ne serait plus profitable pour ceux qui abusent du système de continuer à le faire. Le principe est un peu plus simple : si personne n’achète de chiots issus d’une usine à chiots, le producteur serait mal placé de continuer sa production ad vitam æternam. Il faudrait donc recentrer la stratégie sur des mesures qui visent cette fin, plutôt que celle en place actuellement.

usinechiot11Par exemple, ce genre de stratégie peut sembler plus difficile à mettre en place que la signature de pétitions, car elle implique une rééducation d’une partie importante de la population. Il faut faire passer l’information auprès de ces gens, il faut les engager sur une action plus importante que la simple signature d’une pétition sur le coin d’une rue à l’heure de pointe. Prendre conscience de la cruauté qui est infligée aux animaux n’est que la première étape. Il y a plus à faire ensuite, il faut présenter des alternatives crédibles : au lieu d’acheter son nouvel animal à l’animalerie du coin de la rue, aller directement chez l’éleveur peut s’avérer un choix intéressant, mais surtout l’adoption. Les cages de la SPCA et du Berger blanc débordent d’animaux qui ont été abandonnés.

Alors que le crime paie et il continuera de le faire, même en imposant des peines toujours plus sévères sur les propriétaires de ces usines à chiot, c’est vers les acheteurs de ces animaux qu’il faudrait donner du bâton. Il est choquant de voir le nombre de chiens et de chats qui se font abandonner lors de la période du déménagement ou quelques mois après les fêtes. Dans les deux cas, ce sont souvent des changements majeurs, ou pas, qui se produisent dans la vie des ménages et qui font qu’ils ne peuvent plus ou ne veulent plus garder la charge de leurs animaux de compagnie. Il faut être clair, il ne faut pas imposer des animaux à une famille qui n’en veut plus, mais ils doivent en assumer le coût advenant le cas. Ça ne peut pas être la société qui s’en charge, souvent bien mal. Un registre ou un permis pour animal s’impose, et en cas de décision de s’en débarrasser, un coût y serait rattaché. Ce fait serait un incitatif à considérer sérieusement l’achat d’un animal, non pas comme un bien de consommation comme un autre, mais comme une décision engageante. Les fonds accumulés de la sorte pourraient être utilisés à dédommager les gens acquérant un animal dans un refuge, ou bien servir à castrer les animaux errants, s’assurant ainsi que leur population n’augmente pas. Bref, ce n’était qu’un exemple pour les usines à animaux de compagnie, mais il y a un processus semblable et une éducation de la population qui s’imposent auprès de la population en ce qui concerne la provenance de nos steaks et de nos poitrines de poulet. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais il y a manifestement un changement de stratégie qui s’impose qui ne pourrait pas  nuire à la cause.

Vers une hiérarchisation de la vie?

Est-ce que la vie d’un animal est plus, ou moins, importante que celle d’un être humain? Hors de moi l’intention de vouloir créer une telle hiérarchisation. Je ne tiens pas à dénigrer les gens qui se sentent interpellés par cette cause et qui y travaillent pour faire leur petit bout de chemin afin que nous vivions tous dans un monde meilleur. Ce qui me le plus malséant, c’est l’indignation sélective dans une partie importante de la population. Il faut se rappeler l’indignation généralisée lorsqu’il y avait eu un reportage il y a un an ou deux sur le traitement réservé aux animaux se faisant euthanasier au Berger blanc. Le reportage et le traitement qui était infligé aux animaux était révulsant. C’est la réaction qui s’en est ensuivie qui me surprit le plus. Les gens sont rapidement montés aux barricades pour dénoncer ces atrocités, les gens étaient prêts à se mobiliser à aller faire la vie dure à ceux qui osaient lever la main sur un animal sans défense. Des citoyens prisonniers du sensationnalisme de notre société de spectacle se sont enfin sentis interpelés par une injustice flagrante. Il faut le féliciter.

imageCe n’est pas la réaction qui est mal en tant que tel : c’est le manque de réaction lorsque les gens croisent un itinérant dans la rue. La tolérance envers la pauvreté ici, mais aussi ailleurs, est stupéfiante. Une quantité non marginale de personnes snobent ces gens rejetés par notre société paradoxale individualiste, conformiste et surconsommatrice. Le sous-produit de notre société néolibérale en quête de toujours plus de profits, mais aussi de précarité. Les arguments de la « sans-défense » animale, du non-contrôle de leur destiné entre nos mains, sont souvent utilisées par les tenants d’une approche à la Peter Singer. Il en va de même pour une très grande majorité de gens qui vivent dans la rue. Des études ont souvent démontré que plus de 40 % de ceux-ci souffrent de maladies mentales sévères non traitées, que ce soit par manque de ressource ou bien d’un entourage prêt à les aider.

Alors qu’une grande partie de la population vivant dans la rue est atteinte de maladies mentales, un autre mal ronge cette population à risque : la dépendance à la drogue ou à l’alcool. Est-ce que les gens frappés par une telle dépendance sont réellement libres de leur choix. Doit-on les condamner à une vie de misère suite à un nombre de décisions plus ou moins heureuses? Heureusement pour ces gens, un récent jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas des cliniques d’injections supervisées Insite a, outre l’obligation donnée au gouvernement conservateur de les maintenir ouvertes, eu comme effet de reconnaître légalement la dépendance à des drogues dures comme relevant d’une maladie physiologique ou psychologique, et non pas comme un choix purement personnel ou rationnel. Ce jugement est majeur, il établit enfin que ces gens sont éligibles à recevoir de l’aide sur la base de leurs droits fondamentaux à la vie et à la jouissance de celle-ci.

Cette décision est un trou à nul autre second dans l’argumentation de la droite qui croit que fondamentalement nous prenons tous des décisions et que notre position sociale est directement reliée à l’effort que nous allons mettre dans celles-ci. Qu’au final, la variable environnementale n’est pas du tout importante. Outre ce tissu de déchets idéologiques et mensongers, il est maintenant possible de remettre en perspective la capacité de ces gens à prendre des décisions éclairées, ou même à questionner leur capacité à réussir dans la vie. Ces gens dans le besoin ne sont pas plus habiletés à se défendre de notre société consommatrice de capitaux, que des animaux sans droits. Il ne faut pas se le nier, dès qu’une personne vit dans la rue, sans qu’il y ait légalement une seconde classe de citoyens, la société les traite comme si c’était le cas.

Conclusion

Il faut mettre fin à cette hiérarchisation de la population, briser les mythes entourant l’itinérance et du libre-arbitre humain, ici comme ailleurs. Il faut donner un peu de dignité à ces gens. Ignorer le problème, tout comme celui du mauvais traitement des animaux, n’est pas la solution. Il faut continuer à lutter pour le bien commun, mais il faut aussi s’ouvrir les yeux sur les maux qui nous entourent, et ne pas seulement attendre qu’un reportage-choc fasse son apparition à la télévision. Bien sur, être conscient et informé demande un effort. Changer ses habitudes de vie demande un effort, certains devront en faire un plus grand que d’autre, mais c’est la seule façon de changer durablement les choses. Signer une feuille de papier, ou mettre un crochet sur un bulletin de vote n’est pas toujours suffisant. Au besoin, il faut recourir à d’autres moyens. Que ce soit pour vos animaux, ou bien pour votre voisin qui dort sous la porte de l’entrée du métro. Continuer à s’indigner contre le mauvais traitement envers les animaux, mais pas seulement celui-ci.