Du gouffre conservateur

 

« Dans un article récemment publié dans Nature, les auteurs examinent l’accélération de la perte de biodiversité, les fluctuations climatiques de plus en plus extrêmes, l’interconnexion grandissante des écosystèmes et le changement radical dans le bilan énergétique global. Ils suggèrent que tous ces éléments constituent des précurseurs à l’apparition d’un état planétaire de seuil ou encore d’un point de basculement. Si cela s’avérait exact, ce que les auteurs prédisent pour le siècle en cours, les écosystèmes de la planète, en l’état de connaissances actuelles, pourraient rapidement et irréversiblement s’effondrer. » (http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70447.htm)

Cette équipe de 18 chercheurs a recensé que les changements climatiques auxquels nous assistons actuellement suggèrent un changement irréversible de l’écosystème planétaire. Ce fut un succès, ou plutôt une chance exceptionnelle que l’homme moderne ait réussi à s’épanouir durant la courte fenêtre de temps où la Terre était suffisamment clémente pour permettre à l’homme d’en tirer le maximum, pour ne pas dire trop. Le constat est aussi clair qu’il est inquiétant. Les seules personnes que cette nouvelle pourra rendre heureuses : les malthusiens hardcore. Que fait le Canada pendant ce temps?

Le Parti conservateur de Stephen Harper était préoccupé à enfoncer dans la gorge, à coup de masse, le projet de loi mammouth C-38. Ce projet de loi omnibus contenait une myriade de nouveautés pour les Canadiens. Ce budget ne se limita pas à seulement inclure des mesures budgétaires ou de mise en application du budget, comme c’est généralement le cas, mais il incluait un nombre presque incalculable de modifications à des lois existantes. Ces changements allaient de compressions dans le ministère de la Défense, à l’édiction de nouvelles normes en ce qui concerne les consultations publiques d’un projet pouvant avoir un impact sur l’environnement.

Le site internet du Parti conservateur du Canada se targue de dire que : « Le Plan d’action économique 2012 repose sur l’impressionnant bilan de notre gouvernement conservateur en matière de soutien à un environnement plus propre et plus durable » (http://www.conservateur.ca/?page_id=1394&lang=fr). Ce qui est bien de cette phrase c’est qu’il est bel et bien possible de la prendre au mot : impressionnant. Impressionnant d’inaction, de faux-fuyants, de poudre aux yeux et d’une procédure de destitution du rôle et de l’importance de la science dans la prise de décision. Le raisonnement et la preuve font maintenant place à l’émotion et à l’idéologie. Le bilan est impressionnant par son mépris qu’il exprime à tous les citoyens de la terre. Après avoir profité des vacances des fêtes de 2011 pour annoncer son retrait du Protocole de Kyoto, le Canada ne cesse de récolter les prix fossiles (prix remis quotidiennement aux pays nuisant le plus aux négociations pour l’aboutissement d’une entente internationale sur la réduction des Gaz à effet de serre) dans tous les forums internationaux. Pourtant, le Canada a déjà été un chef de file dans la promotion de l’environnement. En 1987, à Montréal, fut signé Le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Ce traité, qui fut le premier traité environnemental à atteindre la ratification universelle, avait pour objectif de réduire et d’interdire les gaz CFC qui sont les responsables de l’apparition d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’article dans les années 1980 (http://ozone.unep.org/pdfs/Montreal-Protocol2000_fr.pdf).

Aujourd’hui, nous apprenons que le gouvernement Harper est excessivement inquiet des retombées sur la santé d’un type de production d’énergie. Les sables bitumineux? Non. Le gaz de schiste? Non. Les éoliennes (http://www.ledevoir.com/societe/sante/354295/ottawa-veut-valider-les-impacts-du-bruit-des-eoliennes-sur-la-sante)! Après avoir refusé à Santé Canada de mener des enquêtes sur les retombées sur la santé des Canadiens de l’extraction des combustibles fossiles, « La ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq, a précisé hier (10 juillet 2012) que cette étude entend répondre aux préoccupations des citoyens vivant près de parcs d’éoliennes. » Il n’est pas difficile d’imaginer que ce sont probablement les neuf mêmes personnes qui s’étaient plaintes en 15 ans de la violation de la vie privée du recensement long obligatoire pour 20% de la population. Ces plaintes ayant mené à la suspension de l’obligation de remplir ce formulaire long, remplacé par une plus grande distribution de questionnaires longs non obligatoire.

Alors que la Terre se rapproche toujours de plus en plus rapidement du point de non-retour environnemental, du point où les changements climatiques s’autoalimenteront, faisant ainsi entrer la Terre dans un cercle vicieux infernal, le gouvernement fait tout pour mettre des bâtons dans les roues de ceux qui se préoccupent de notre avenir à long terme; et non pas de ceux qui se préoccupent des rendements boursiers pétroliers. Rien d’étonnant d’un gouvernement qui nomme comme ministre d’État à la Science et aux Technologies un autoavoué créationniste doutant de la théorie de l’évolution (Gary Goodyear). À cela s’ajoute un ministre de la Sécurité publique (Vic Toews qui déclare que : « Les groupes environnementaux peuvent dans certains cas constituer une menace terroriste pour le pays ». Monsieur Toews a lancé cet avertissement dans sa nouvelle Stratégie antiterrosite du Canada, présentée en février 2012 (http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/342495/haro-sur-les-extremistes-ecolos-vic-toews-craint-le-terrorisme-de-groupes-environnementaux).

Avec cette équipe du tonnerre, le gouvernement Harper opère une nouvelle modélisation de l’autorité de l’exécutif gouvernemental. Toute dissension sera maintenant perçue comme étant hors-la-loi. Toute personne ou tout groupe qui se prononce contre l’orientation gouvernementale se verra couper toute forme de financement. Les Conservateurs posent toutes ces actions sous le couvert d’un appui de 24,33 % des Canadiens. Cette minorité a décidé que les Conservateurs avaient parfaitement et unilatéralement raison dans tous les domaines de la politique canadienne. Leur jugement ne doit pas et ne peut pas être remis en question. Cette vision du pouvoir pervertit notre nation et est un manque de respect à notre intelligence. Le gouvernement conservateur actuel a une réelle hantise de la science, de la liberté de l’information et de sa circulation et du débat qui peut en découler. L’économie est devenue une excuse pour bafouer tous les systèmes qui sont en place.

Pensons seulement aux différentes lois spéciales dans la dernière année pour mettre fin aux grèves. La seule solution possible : la résistance et la révolte. Tout comme l’écrivait Camus dans L’homme révolté : « Ce n’est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige. ». Il faut se libérer d’une passion qui semble devenir typique du siècle que nous habitons : la servitude à l’individualisme. Cette plaie que les gouvernements modernes ne cessent d’exploiter semble prendre racine, de façon plus profonde, dans la révolution des années 1960. Selon Kurt Andersen, durant ces années il y a eu une révolution dans le domaine politique, social et culturel. Il y a une libéralisation des mœurs, mais également une victoire du « je, me, moi ». Cette victoire s’est également transposée dans le domaine économique. Tout comme il était interdit d’avoir des relations sexuelles prémaritales, il était tout aussi mal vu de se pavaner et de se vanter de sa fortune personnelle. Avant cette révolution marquante, il y avait une forme d’équilibre entre la volonté et le bonheur personnel et celui collectif. Cet équilibre est aujourd’hui presque éteint (http://www.nytimes.com/2012/07/04/opinion/the-downside-of-liberty.html).

Libérons-nous de cette apathie. Ressoudons-nous ensemble! Si le gouvernement Harper refuse de représenter les Québécois, il n’y a qu’une seule solution : se trouver un Québécois qui voudra nous mener nous et notre République et nous représenter pour ce que nous sommes.

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » L’Homme révolté de Camus. Donnons tout ce que nous avons, pour nous assurer d’avoir un avenir.

 

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